- GÉOCHRONOLOGIE
- GÉOCHRONOLOGIELa géochronologie est la branche de la géologie qui a pour objet la datation des diverses formations de la croûte terrestre. À côté de la géochronologie «relative», fondée essentiellement sur la stratigraphie et le paléomagnétisme, la géochronologie «absolue» et, plus précisément, la radiochronologie visent à obtenir des estimations quantitatives de l’âge des événements géologiques. On exposera ici les diverses méthodes de la géochronologie absolue, la géochronologie relative étant traitée dans l’article STRATIGRAPHIE [cf. GÉOMAGNÉTISME].Sauf cas très particuliers, la stratigraphie ne permet pas de donner l’âge réel d’une formation géologique. Depuis le XVIIIe siècle, on a tenté d’évaluer la durée des temps géologiques. Les estimations anciennes, fondées surtout sur des exégèses abusives de textes sacrés, parurent très vite insuffisantes, eu égard à la grande lenteur des phénomènes géologiques. Au XIXe siècle, la durée des temps fossilifères est évaluée, suivant les auteurs, de 100 000 ans à 3 millions d’années. Les tentatives un peu sérieuses de l’époque s’appuient sur la détermination des vitesses d’accumulation des sédiments, ou sur le temps nécessaire à la réalisation du stock actuel de sel des océans. William Thomson (lord Kelvin) obtient, par l’étude du bilan thermique du globe, une estimation de cent millions d’années pour l’âge de la Terre; cette valeur paraît encore trop faible aux géologues, et, dès les premiers travaux d’Antoine Henri Becquerel et des Curie, John Joly (1906) montre que la radioactivité est le seul processus naturel, apparemment indéréglable, susceptible de fournir une «horloge géologique» digne de confiance.Les méthodes de la radiochronologie reposent sur le principe suivant: soit un radioélément A contenu dans un minéral au moment de sa cristallisation et se transformant en un élément B; le rapport des concentrations A/B dans le minéral à un instant donné est une fonction de la période de A et de l’âge du minéral.Bien que des essais valables aient été faits dès 1906, la radiochronologie, pour des raisons techniques (difficultés de dosage notamment), n’a pris vraiment son essor qu’à partir de 1945. Dans de nombreux cas, l’interprétation des résultats demeure délicate; les éléments radioactifs utilisés, dont le nombre est d’ailleurs assez limité pour l’instant (on en compte à peine une dizaine), sont relativement rares dans la lithosphère, étant localisés en général dans des minéraux particuliers.Les méthodes radiochronologiques restent cependant les plus sûres pour une chronologie absolue des temps géologiques; les autres méthodes n’interviennent qu’en complément dans des cas très précis.Les méthodes radiochronologiquesDans un système clos (le minéral ou la roche à dater), s’il existe à un instant «zéro» (date de la consolidation en première approximation) un nombre 0 d’atomes radioactifs d’un nuclide donné, caractérisé par sa constante radioactive ( = 0,693 -1, T étant la période), il reste au bout du temps t :atomes du nuclide considéré et il s’est formé N = 0 漣 N atomes du nuclide fils, dits radiogéniques .Trois types de méthodes radiochronologiques existent:a ) si le nuclide radiogénique est stable, on déduit l’âge du système de la détermination expérimentale de N et N :b ) si l’élément radiogénique est lui-même radioactif (cas des éléments intermédiaires des séries de l’uranium et du thorium), il s’établit dans certains cas entre le «nuclide père» et le «nuclide fils» un équilibre radioactif; à ce moment, il existe un rapport constant entre les proportions du nuclide père et celles du nuclide fils; tant que l’équilibre radioactif n’est pas atteint, l’écart à cet équilibre permet, dans certains cas, l’évaluation de l’âge du système (méthodes dites du déséquilibre radioactif );c ) si la teneur en élément radioactif est supposée connue à l’instant zéro, l’âge du système se déduit de:Méthodes du groupe aLes principales méthodes du groupe a utilisent les systèmes radioactifs suivants:(40K aboutit aussi à 40Ca, mais aucune méthode pratique n’est fondée sur cette transformation).L’élément père est généralement dosé par spectrophotométrie ou par dilution isotopique [cf. ISOTOPES], et la quantité du nuclide considéré se déduit de cette mesure, connaissant l’abondance isotopique relative de cet élément, pratiquement constante dans la nature. L’élément fils est toujours dosé par dilution isotopique. Comme le nuclide fils radiogénique est presque toujours accompagné dans les minéraux par une certaine quantité du même nuclide, déjà présent au moment de la cristallisation, l’analyse des spectres de masse permet de déterminer avec précision ce qui est réellement radiogénique (fig. 1).Ces méthodes sont couramment appliquées aujourd’hui à la mesure de l’âge d’une grande variété de roches et de minéraux, bien que les roches sédimentaires posent de sérieux problèmes. Aussi, l’essentiel des résultats porte-t-il sur les roches silicatées magmatiques ou métamorphiques. On s’est aperçu rapidement que la simple application des formules aboutissait parfois à des âges en contradiction avec les données géologiques classiques: les systèmes analysés ne sont pas toujours «fermés» et ont pu être l’objet de migrations du nuclide père ou du nuclide fils. La combinaison de résultats obtenus par des méthodes différentes, la statistique et certains procédés graphiques (méthode des isochrones) permettent de lever les contradictions et ont conduit à des applications pétrogénétiques très intéressantes.La grande sensibilité des dosages de l’argon permet de dater des roches volcaniques vieilles d’à peine quelques millénaires; les méthodes «au plomb» ou «au strontium» permettent actuellement de remonter jusqu’à quelques millions d’années.Méthodes du groupe bL’équilibre s’établit dans les séries de l’uranium et du thorium en moins de quelques centaines de milliers d’années; ces méthodes, assez nombreuses, s’appliquent à des roches dont l’âge ne dépasse pas un million d’années. Mais elles se heurtent à des difficultés semblables à celles indiquées pour le groupe a et peu de résultats valables ont été obtenus jusqu’à présent.Méthodes du groupe cLa plus classique est celle dite du carbone 14 . Cet isotope, de période 5630 ans, est constamment régénéré dans l’atmosphère par l’action du rayonnement cosmique sur les noyaux d’azote. Le carbone radioactif ainsi formé est intégré au cycle biologique normal: tous les êtres vivants ont ainsi un rapport 14C12C sensiblement constant. Après leur mort, la fossilisation interrompt les échanges avec l’atmosphère, et la teneur du fossile en 14C décroît exponentiellement. La teneur résiduelle est déterminée par la mesure de l’activité 廓 du carbone 14.En ce qui concerne l’interprétation des résultats, on admet généralement, pour les 100 000 dernières années, une intensité constante du rayonnement cosmique, donc la constance des teneurs en carbone 14 des êtres vivants. Un bon recoupement ayant été obtenu entre les âges au carbone 14 et les données historiques jusque vers 3 500 av. J.-C., l’échelle chronologique au carbone 14 a été étendue jusque vers 漣 50 000 ans.Les datations au carbone 14 se sont révélées très fructueuses pour l’archéologie et la géologie de l’époque fini-glaciaire et post-glaciaire. Outre la datation de restes organiques, le carbone 14 permet de dater des carbonates récents et des eaux fossiles (par l’intermédiaire du bicarbonate dissous).Les progrès techniques (utilisation des accélérateurs de particules) permettent d’envisager plus commodément l’utilisation d’autres radioéléments cosmogéniques, comme 10Be (période: 2,5 . 106 ans), 26A1 (7,4 . 105 ans), 32Si (530 ans), 36Cl (3,1 . 105 ans) d’une manière courante, et de prolonger les possibilités du radiocarbone.Le dosage du tritium (hydrogène radioactif 3H de période 12,4 ans), engendré par le même processus que pour 14C, permet de dater des nappes d’eau de quelques dizaines d’années d’âge.Les explosions nucléaires aériennes ont produit d’importantes quantités supplémentaires de 14C et 3H qui perturbent l’équilibre naturel précédemment atteint; inversement, la combustion massive de houille et d’hydrocarbures depuis plus d’un siècle a enrichi l’atmosphère en C2 privé de 14C («effet Suess»).Autres méthodesD’application limitée, et aux résultats parfois sujets à caution, certaines méthodes utilisent, soit un phénomène périodique, ou supposé tel: dendrochronologie, varves ; soit un processus lent et supposé irréversible: racémisation des acides aminés, traces de fission.La dendrochronologie utilise les anneaux de croissance annuels des arbres, ce qui, par recoupement entre un arbre donné et un autre plus ancien, a permis de dater, en Amérique, des troncs fossiles vieux de deux millénaires.La méthode des varves est fondée sur l’existence de dépôts glaciolacustres, finement lités, chaque lit correspondant au sédiment déposé en une année. Par recoupements de spectres de varves caractéristiques, on a pu remonter, en Scandinavie et en Amérique du Nord, jusqu’à 漣 9 000 ans. La précision est de quelques années. On a tenté des interprétations semblables des alternances régulières dans des dépôts salins (Zechstein).La méthode dite de «racémisation» des acides aminés est fondée sur le fait que les acides aminés du collagène des os, naturellement lévogyres, tendent, avec le temps, à présenter une proportion égale de formes lévo- et dextrogyres. Elle donne d’assez bons résultats pour les derniers 100 000 ans.La méthode des traces de fission utilise le fait que les «noyaux de recul» provenant de la fission spontanée de l’uranium et du thorium détruisent le réseau cristallin sur leur parcours (long de quelques micromètres); le nombre de traces est proportionnel à l’âge; cette méthode est relativement sûre.On peut citer enfin, pour mémoire, la méthode au fluor : le fluor se concentre avec le temps dans les os et les dents des vertébrés après leur mort; mais trop de facteurs de variation interviennent pour une exploitation valable.Échelle chronologiqueLa radiochronologie a permis à Arthur Holmes, dès 1932, d’aboutir à une échelle de temps satisfaisante, l’âge de la croûte terrestre étant fixé alors à plus de 2 . 109 ans, et la base des «temps fossilifères» à 5 . 108 ans. L’échelle donnée ici (cf. tableau), admise par tous, ne subira désormais que des modifications mineures. La chronologie du Quaternaire, surtout à sa base (fig. 2), reste encore soumise à de profondes révisions.• v. 1950; de géo- et chronologie♦ Géogr., géophys. Chronologie des événements géologiques classés en intervalles de temps (⇒ âge, ère, période) ou en structure de terrain (⇒ étage, série, système).⇒GÉOCHRONOLOGIE, subst. fém.Discipline scientifique qui a pour objet l'étude des temps géologiques et des événements successifs qui ont affecté le globe terrestre. La géochronologie est devenue une science très précise, puisqu'elle dispose d'un étalon de temps permettant de fixer l'âge de tout minéral radioactif, chaque élément radioactif ayant une « durée de vie », une période de désintégration constante (FURON ds R. gén. sc., t. 63, 1956, p. 43).REM. Géochronologique, adj. Relatif à la géochronologie. Leurs transformations successives fournissent, après dosage, des indications géochronologiques que l'on compare les unes aux autres. Elles ont donné des indications sur l'âge des terrains azoïques, auxquels aucune valeur ne pouvait être attribuée auparavant (DECAUX, Mesure temps, 1959, p. 113).Prononc. : [
]. Étymol. et Hist. 1943 (ROTHÉ, Géophys., p. 122). Dér. de chronologie; élément formant géo-; cf. angl. geochronology, 1893 ds NED Suppl. Bbg. BARB. Infl. 1923, p. 13.
géochronologie [ʒeokʀɔnɔlɔʒi] n. f.ÉTYM. V. 1950; de géo-, et chronologie.❖♦ Géol. Échelle chronologique établie (aujourd'hui à partir de méthodes radiométriques) pour dater les événements successifs qui ont affecté la Terre. || La géochronologie des roches sédimentaires.❖DÉR. Géochronologique.
Encyclopédie Universelle. 2012.